Se conformer ou se former ?

Estelle Paruta
Estelle Paruta

CINQ. Cinq ans d’études, des frais à cinq chiffres. A la clé ? Un job de rêve… ou un job… peut-être.

Le paradoxe d’Anderson : « faire plus d’études que ses parents pour gagner moins ».

Un tableau idyllique, n’est-ce-pas ? Les nouvelles générations portent un regard d’un réalisme grinçant sur les « études sup’ ». Au-delà des considérations financières, le système éducatif et sa pédagogie sont également remis en cause. Les millenials ont questionné le schéma « métro-boulot-dodo », la génération Z exprime de nouveaux besoins… Et n’hésite pas à emprunter des chemins de traverse pour y répondre.

Les études supérieures, démodées ?

Et surtout, à quoi ressemble la « nouvelle éducation » de la génération Z ?

*Les chercheurs sont beaucoup plus bavards sur le sujet aux États-Unis, les chiffres sont donc « sauce nouveau continent » si leur provenance n’est pas précisée made in France.

I- Les études supérieures confrontées à un regard critique

1- Une méfiance vis à vis du système éducatif

Si vous avez bien suivi, vous connaissez déjà le principal frein des jeunes face aux études : l’aspect financier. En 2018, le coût moyen d’une année d’études en France s’élevait à 7 118 euros toutes filières confondues, allant de 6 473 euros pour un parcours universitaire à 10 735 euros pour une école de commerce.

> Faites x5 et vous aurez une idée de la situation.

Autre facteur qui touche au porte-monnaie : le coût d’opportunité.

Faire des études implique de renoncer à travailler directement après le bac. Autant de salaires et de trimestres de retraite en moins, dans le but d’être mieux payé. Recherche rapide sur le site de l’Insee : « un jeune sur cinq est au chômage ou dans son halo dans cette phase d’insertion professionnelle, contre une personne sur dix sorties de formation initiale depuis plus de dix ans ». Difficile de continuer à y croire.

 

Mais les facteurs qui poussent les jeunes à se méfier de l’éducation supérieure sont nombreux ! Déroulons le papyrus :

·      La pandémie du Covid-19 a rendu les études plus difficiles : moins 6,6% d’inscription en post-bac entre 2019 et 2021.

Le + ? Le coût des études n’a pas baissé durant les confinements, alors que les étudiants ne bénéficiaient pas des mêmes conditions de travail et du même soutient qu’en présentiel.

·      A la sortie de la pandémie, de nombreux étudiants ont pris goût aux cours en ligne, et ont déserté les formations classiques en présentiel.

·      Aux États-Unis, le coût des études a augmenté de 1 à 2% pour l’année 2021-22.

·     La "gen Z" a vu ses parents ultra diplômés se faire licencier avec 30% d’entre eux au chômage de longue durée.

·     Leurs parents sont plus à l’écoute de leurs questionnements : se chercher, se tromper et bifurquer est aujourd’hui possible.

·      Un monde où tout va beaucoup plus vite : se former en continu et par modules spécifiques pour suivre les évolutions du marché est maintenant nécessaire.

Résultat ? 35% des jeunes adultes n’auraient pas confiance dans le système éducatif supérieur.

Beaucoup choisissent de le quitter, et sont alors considérés comme des « reclus sociaux positifs ». En plus simple, cela désigne des jeunes qui désertent le circuit d’études traditionnel mais font preuve d’une curiosité différente et se forment par eux-mêmes.

2- Le sentiment qu’elles ne sont pas nécessaires voir inutiles

Faire des sacrifices pour, à la clé, un quotidien qui manque de sens ? So XXème siècle !

Le sens du travail dans la vie et l’épanouissement de l’individu est au cœur des débats depuis une dizaine d’années, et la génération Z prend de l’avance sur la question. Sans études qui questionnent vraiment la société actuelle, comment obtenir un job tourné vers l’avenir ? Les enjeux de demain sont déjà ceux d’aujourd’hui, pas question de perdre du temps à faire de la théorie ! Un exemple ? Les étudiants en agronomie manifestent contre l’absence de considérations écologiques dans leur programme.

 

Puis, la question du job : Parmi ceux qui sont embauchés, beaucoup sont trop qualifiés pour leur poste ou ne trouvent pas leur place au sein de l’entreprise. Et aux États-Unis, un tiers des jeunes diplômés pensent que ce n’est pas leur éducation qui leur a permis d’obtenir un travail. Le diplôme ne serait plus le « sésame à l’emploi », et certains grands groupes l’ont bien compris : ils ne recrutent plus par rapport au diplôme (exemple Google ou Apple).

 

Bon, la situation n’est pas reluisante. Pour éviter le coup de cafard, penchons-nous sur les VRAIS besoins des jeunes.

II- Besoin d’une éducation…

1- Concrète

Plus de la moitié de la génération Z serait ouverte à de nouveaux parcours éducatifs. Les critères ? Des parcours…

·      Personnalisés : 70% souhaitent construire leur propre puzzle d’apprentissages.

·      Pour 87% d’entre eux : une « filière passion », plutôt qu’une voie qui viserait uniquement à gagner gros.

·      Mais… pragmatiques. Les jeunes souhaitent être réellement formés à un métier. Fini les 5 ans de théorie!

·      Entrepreneuriaux : 42% comptent travailler… à leur compte.

2- … et qui intègre un nouveau style de vie & les problématiques actuelles

Si vous suivez le blog de Stella Nova, ce n’est plus une surprise : la journée de travail façon 9 to 5 a pris un sacré coup. Les employés tiennent de plus en plus à leur équilibre entre vie pro/ vie perso, et cela se reflète sur les horaires de travail. Peu de chances de trouver un job au rythme atypique en faisant des études « normales ». Le choix d’un nouveau mode de vie se fait donc souvent dès le post-bac.

 

De plus, la génération Z fait face à de nouvelles problématiques, est plus sensibilisée aux notions d’égalité, de féminisme que leurs parents. Une éducation qui reflète ces prises de conscience est donc nécessaire : lutte contre les discriminations, inclusion des élèves LGBT, curriculum prenant en compte les notions de développement personnel, et attention portée aux étudiants handicapés, neuroatypiques (autistes, avec un TDAH, des troubles dys, un HPI)*. Actuellement, les diversités ne sont pas ou peu prises en compte par les écoles et les universités.

 

Enfin, les jeunes sont particulièrement touchés par les problèmes de santé mentale (anxiété, dépression), surtout depuis la pandémie. Cela modifie leurs aptitudes à suivre un programme scolaire long, et donc leurs besoins.

 

Ok, et maintenant, quelles sont les solutions ?

III- De nouveaux modèles d’apprentissage

1- L’envie de se former en continu

L’enseignement supérieur n’est pas adapté à une génération qui vivra longtemps.

Comment anticiper l’avenir, ses changements de postes et ses reconversions professionnelles avec seulement quelques années d’études ? Le marché du travail bouge vite, il est nécessaire d’évoluer en permanence. Les jeunes ont bien compris l’importance de se former tout au long de leur vie. Un problème ? Une compétence à acquérir ? Les formations à la carte et flexibles ne manquent pas, et leur permettent de rebondir rapidement.

Le must ? L’UNESCO reconnaît maintenant cette voie d’apprentissage, baptisée " LLL" (lifelong learning), et ces compétences atypiques, les « compétences singulières ». Elle œuvre pour une reconnaissance officielle de ces formations à travers son propre institut. Certains pays s’y sont déjà mis (à quand pour la France ?)

Là encore, les grandes entreprises ont tout bon : pour attirer ces talents, elles sont de plus en plus nombreuses à offrir des formations diplômantes et approfondies à leurs employés. A voir aussi, le mircrolearning, pour former facilement ses équipes en ligne.

2- Des parcours innovants

Depuis quelques temps déjà, des programmes et dispositifs favorisent cet enseignement à la carte.  C’est évidemment le cas de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) proposée par notre gouvernement. Pour les moins de 25 ans, le Contrat d’Engagement Jeune propose des solutions adaptées pour ceux qui ne trouvent pas leur place dans le système d’études « classique ». Pour se former au sein de l’entreprise en gardant un orteil dans le système d’études « classique » :  l’alternance. Avantageuse pour les étudiants et pour les entreprises, qui bénéficient d’aides pour accueillir ces jeunes pousses.

Enfin, des programmes pleins de peps proposent de mettre à profit une année de césure pour mieux se découvrir et faire les bons choix. C’est par exemple le cas du programme « Pause » de la Factry (Canada et Suisse). Côté français, certaines universités proposent des Diplômes Universitaires (DU) avec comme objectif la réflexion sur son parcours de formation ; et les services civiques permettent de se mettre concrètement au service du collectif.

Conclusion

Sortir des 5 ans d’études pour apprendre toute sa vie.

Comme Lucifer dans la série éponyme, prendre le temps de se demander « Qu’est-ce que je désire vraiment ? ».

Mettre les mains dans le cambouis pour se former à la « vraie vie ».

Limiter les coûts, tant financiers que psychologiques.

 

Autant de facteurs qui poussent la nouvelle génération à emprunter d’autres voies.

La « nouvelle éducation » est à cette image : les pieds sur terre, décidée à ne pas se voir imposer des normes sociales, et prête à sortir du jeu pour mieux en changer les règles. 

Chers recruteurs :

5 ans d’études dans une bonne école ne sont pas une garantie de compétence. La nouvelle excellence ? Des jeunes qui se forment brique par brique, parfois à distance, avec des CDD pour valider leurs choix, des voyages à l’étranger pour parfaire une langue… SE FORMER au lieu de se « laisser former », une preuve de proactivité et de détermination, + un big bang de créativité.

 

*TDAH : Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité. Troubles dys : dyslexie, dysorthographie etc. HPI : Haut Potentiel Intellectuel.

 

 L’encadré des bonnes idées : Eric Bourgerie, chercheur spécialisé dans les nouvelles manières de se former, a fourni d’importants travaux à ce sujet :)

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