Transparence des salaires ? PARTIE 1

Estelle Paruta
Estelle Paruta

Parler d’argent au lieu de parler de la pluie et du beau temps : le nouveau motto de la machine à café ?Rendre tous les salaires des collaborateurs publics, décider ensemble des augmentations et oser confronter les salariés à leur véritable niveau de compétences… La transparence des salaires va main dans la main avec « l’esprit start-up » et s’inscrit dans la culture de plus en plus d’entreprises.

 

La transparence des salaires, la next step après le babyfoot et le happiness officer ?

Pas du tout ! Revendiquer ses valeurs d’entreprise et RÉELLEMENT les appliquer, s’assurer d’une meilleure égalité hommes-femmes, ou encore combattre les discriminations ethniques : le programme est chargé.

Pour cela, il s’agit de trouver son équilibre : de la grille salariale affinée aux chiffres dévoilés à tous/tes, en passant par le calcul des écarts moyens ; les solutions sont nombreuses*.

Une fois résolue la question du degré de transparence, la question du « comment » a mis le feu au cerveau de plus d’un DRH.

* Par souci de vous maintenir éveillés et de ne pas écrire un parchemin au kilomètre, j’ai choisi de ne traiter que la solution des grilles salariales dans cet article.

Comment l’intégrer dans sa stratégie RH et en contourner les inconvénients ?Comment basculer de l’égalité salariale à l’équité salariale ?

Comment prendre en compte la logique compétitive des postes commerciaux ?

Et enfin, comment l’appliquer CONCRÈTEMENT et gérer ce (grand) changement ?Pour arriver à bout de ces « comment », nous avons rencontré LE DRH dont les neurones n’ont pas brûlé suite à ces questionnements. Il s’est forgé une belle expérience après 5 ans à appliquer la transparence des salaires en entreprise, et est une source de motivation pour les start-ups souhaitant l’appliquer.

Merci donc à Pierre Monclos, DRH de Unow, entreprise créatrice de chouettes formations en ligne. N’hésitez pas à jeter un globe oculaire à leur (super) site !

 

Et sans plus attendre, rentrons dans le vif du sujet.

1- Conséquences sur l’humain et intégration dans la stratégie RH

 

« C’est la transparence tout court qui a découlé de notre culture d’entreprise pour s’intégrer dans la stratégie RH », explique Pierre Monclos.  Le DRH souligne l’importance de la transparence au sens global du terme : chiffres, progression des équipes, décisions du Comité de Direction : tout (ou presque) est expliqué aux salariés. Que l’on « connaisse le salaire de tout le monde » est donc la suite logique de ces valeurs. Implémenter la transparence des salaires dans une entreprise qui ne souhaite pas remettre en question son opacité ne sert donc pas à grand-chose.

 

Quid des conséquences sur l’humain ? Pierre Monclos met l’emphase sur la confiance permise par un libre accès à l’information. Cela permet « d’éviter l’infantilisation des salariés », et assure une équité bienvenue dans le monde de l’entreprise. Connaître le salaire de son voisin d’open space n’est finalement même pas source de jalousie ! Des tensions en interne n’auraient été rapportées au DRH « qu’une fois lors des derniers 18 mois », de quoi faire pâlir les amateurs de bruits de couloirs.

 

Et pour les managers ? Les augmentations justifiées par des critères objectifs les obligent à « assumer leurs décisions et à faire des feedbacks ». En effet, il n’est plus possible de se cacher derrière une enveloppe RH décevante ou une faible marge de manœuvre ! Une bonne façon « d’assainir les discussions » en évitant de « créer des situations qui vont pourrir dans le temps ». Vous cherchiez comment expliquer avec tact à votre collaborateur que ses retards constants et son exigence aux abonnés absents ne lui vaudraient pas de promotion ? La transparence des salaires est faite pour vous !

2- Avantages techniques

 

Assurer l’égalité hommes-femmes, faire la peau aux discriminations, instaurer un meilleur climat au bureau… La transparence des salaires permet plus de justice sociale, et a également des avantages très concrets.

Soyons très pragmatiques et terre-à-terre un instant : connaître le salaire de ses collaborateurs permet d’estimer avec précision … leur « coût horaire ». Une vraie force lors de l’élaboration des prévisionnels ou des devis ! Fini les calculs de marge au doigt mouillé : vous saurez exactement les coûts engendrés par la présence de telle ou telle personne sur chaque étape du projet. La transparence des salaires vous aidera donc lors de la répartition des salariés entre différentes missions, et vous guidera dans votre décision de déléguer ou non certaines tâches en fonction du coût horaire de chaque collaborateur. Elle sera un outil pour mettre fin aux prises de tête quant à qui doit-être présent lors des réunions et échanges avec le client pour un bon équilibre entre efficacité/ relation client/ optimisation du coût de la réunion.

3- Communiquer la grille des salaires ne suffit pas

 

Ce serait bien hypocrite de présenter la grille de salaires comme une licorne pleurant du caramel liquide. D’après mes petites recherches, celle-ci provoquerait quatre types de situations épineuses :

 

1.    Des tensions et sentiments d’injustice dans les entreprises qui décident de la dévoiler. Comment faire en sorte que les salariés l’acceptent, surtout les mieux payés ?

2.    Les valeurs de marché fluctuantes : dans le cas d’un poste qui aurait pris ou perdu de la valeur au fil des années, comment justifier l’écart de salaire entre un nouvel arrivant et un salarié senior ? Comment expliquer aux collaborateurs avec le plus d’ancienneté qu’un nouvel arrivant est mieux payé au cours de sa première année qu’ils ne l’étaient alors ?

3.    Les enveloppes RH qui varient car elles dépendent des chiffres annuels de l’entreprise et de sa stratégie d’allocation des budgets. Malgré les critères objectifs de rémunération, les réalités financières de l’entreprise ne peuvent pas être niées.

4.    Les différents niveaux de productivité des salariés non pris en compte par une grille « rigide. » Les écarts de résultats entre collaborateurs sont parfois délicats à justifier, surtout dans le cas des salariés avec de moins bons chiffres. Comment leur faire part avec tact des raisons de leur « non-augmentation » ?

 

Rappelons-le, Pierre Monclos a su mener sa barque en évitant l’explosion neuronale, et il est là pour nous aider à trouver des solutions :

 

1.    Ne pas baisser la rémunération des mieux payés : Unow comptait déjà 20 salariés lorsque la transparence des salaires a été mise en place, suffisamment pour que le DRH soit inquiet quant à la réaction des collaborateurs, notamment des mieux payés dont il n’a pas baissé la rémunération. Il a du leur annoncer que: « tant que vous n’aurez pas rattrapé les niveaux techniques qui vous permettent une progression salariale, vous n’aurez pas d’augmentation puisque vous êtes déjà payés au-dessus de la valeur du marché ».

2.    Faire « bénéficier » les collaborateurs les moins avantagés d’un rattrapage rapide avec parfois de grosses augmentations : « Malgré cette « bonne surprise », ce n’était pas sans risque, car ça revient à assumer qu’ils étaient payés en dessous de la valeur du marché ». Toutefois, ce numéro d’équilibriste a été bien accepté.

3.    Mettre à jour la grille : Le souci des valeurs de marché fluctuante est, selon le DRH, un faux problème : « c’est un problème si on ne met jamais à jour sa grille de salaire », précise-t-il, ce qui peut donc être facilement évité en restant alerte quant aux évolutions du marché. « Une bonne grille de salaire, c’est une grille de salaire où on revoit à la hausse les rémunérations de base, cela va augmenter les salaires, aussi bien des nouveaux arrivants que des anciens ».

4.    Définir un budget d’augmentation de masse salariale pour l’année suivante.

5.    Demander aux managers des estimations des primes en fonction de l’évolution de chaque salarié : le budget de l’entreprise est donc confronté aux augmentations de salaires de façon régulière.

 

Mais que se passe-t-il si les capacités des salariés sont telles que la partie financière ne peut plus suivre ? Pierre Monclos est très clair sur le sujet : « en cas de déséquilibre, on assumera que l’on n’a pas les moyens financiers de rémunérer à la hauteur des progressions de l’entreprise et l’on proposera un plan alternatif pour la prochaine année ». Il faut néanmoins un certain courage pour tenir ce discours devant ses équipes, et, même si ce n’est heureusement jamais arrivé chez Unow, le DRH relativise : « je pense que si ça arrive, ce n’est pas grave, c’est une situation exceptionnelle ».

> Faire confiance aux collaborateurs pour faire la part des choses et faire preuve de compréhension, la nouvelle clé du management ?

 

Courage, on arrive à la fin de cette monstrueuse première partie !

 

Le dernier point qui peut poser problème : les différences de productivité entre salariés. Pierre Monclos inverse le paradigme en attaquant la question sous l’angle de l’humain plutôt que du productivisme façon Révolution Industrielle.

Plutôt que de récompenser ou non le salarié par une augmentation significative, la politique RH de Unow commence par se demander ce que l’entreprise peut lui apporter avant de chercher à quantifier la valeur produite: projets, progression, responsabilités, formations, management, projets RSE, intrapreneuriat, temps libre …

 * A noter que les managers ont, chez Unow, une petite fourchette d’ajustement des salaires en fonctions des résultats de chaque collaborateur.

 

Cependant, quelques questions s’imposent : plus de transparence dans les salaires, un programme tout à fait louable, mais...

Comment peut-on basculer de l’égalité salariale à l’équité salariale ?

Comment prendre en compte la dimension du challenge dans les postes commerciaux tout en respectant vos valeurs d’entreprise ?Accrochez-vous, le plus savoureux arrive !

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